RIVE GAUCHE
Destructurer nos schémas préétablis, les barrières que l'on s'impose dans l'accès ou la propagation du savoir et de la créativité... Une démarche que revendique la juriste et fondatrice d'Universita Honorum, Audrey Ouazan. Dans son livre A l’aube d’un art nouveau, l'auteure encourage la jeunesse à oser se dépasser, à créer, à valoriser l'audace et surtout à esquiver la zone de confort.
A travers votre livre : A l’aube d’un art nouveau, vous défendez un mouvement littéraire, le destructuralisme libérateur… Si vous deviez le définir en quelques mots…
Le destructuralisme libérateur est un concept. Il s’agit de déstructurer ses habitudes, ses limites et tout le conformisme pour libérer un processus créatif inédit, nouveau et puissant.
Il s’agit d’un mouvement littéraire et artistique. Pourquoi cette envie farouche de valoriser l’audace et la créativité ?
Je pense que, lorsqu’on est artiste, il est très important de sortir de sa zone de confort. La créativité est l’ingrédient qui nous fait avancer. C’est la clé et la réponse à tout. Le destructuralisme libérateur est la création d’un mouvement qui sert l’art et la littérature, mais qui est aussi un élan qui nous amène tous à développer notre créativité à l’échelle sociétale. C’est quelque chose qui peut tous nous faire avancer.
"Développer la créativité, c’est aussi ouvrir un champ à d’autres compétences."
Votre manifeste, qui pointe les vices d’un système trop rigide, s’insurge d’un élitisme encore trop présent. Comment se déleste-t-on des codes éducatifs et sociaux ancrés depuis la petite enfance ?
Justement l’idée est aussi d’évoluer dans l’éducation et de créer des enseignements en créativité, avec notamment l’instauration de professeurs en créativité. Alors comment se délester ? On ne peut pas se délester car on en a besoin. C’est tout le paradoxe ! On a besoin de se structurer, de connaître la tradition, d’acquérir des savoirs fondamentaux… A aucun moment, je ne le remets en cause. D’ailleurs, même pour moi, apprendre à faire un plan structuré et une argumentation est essentiel. Une fois que l’on a acquis tous ces savoirs, il faut oublier et faire table rase un instant pour se libérer et apprendre à créer, par soi-même et pour soi-même. Et ce, sans vouloir ressembler à qui que ce soit, sans vouloir recopier quoique ce soit. Apprendre à développer cette façon de penser, en allant toujours plus loin. Je parle souvent de "raisonner à 360 degrés". Je pense que cela se développe dans le cerveau et l’enseignement de la créativité est quelque chose de très utile. Je peux vous donner un exemple me concernant. Je n’étais pas du tout une matheuse, j’étais très littéraire. En développant, ma créativité, j’ai développé aussi ma capacité à résoudre des énigmes en mathématiques. Vous m’auriez demandé ça il y a 20 ans, j’en aurais été incapable. Je pense que le cerveau est plastique. Développer la créativité, c’est aussi ouvrir un champ à d’autres compétences.
Votre réflexion ouvre un champ des possibles immense. Il y a cette idée d’aller à l’encontre d’un certain déterminisme social ?
Dans ma logique et mon enseignement, il n’y a aucun pré requis. On peut avoir des jeunes ou des adultes qui ont une très faible connaissance de la littérature et qui seront beaucoup plus créatifs. Ils n’ont pas de schéma ancré. Moins on est "éduqué" parfois, plus on peut avoir des facilités à faire sauter les barrières.
Peut-on parler d’une œuvre rebelle ou anti système ?
Il n’y a que les lecteurs qui pourraient avoir ce jugement ! Je suis juste quelqu’un qui observe la société par le biais de l’enseignement. J’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes de tous les horizons possibles et je suis dans la démarche de proposer quelque chose de nouveau, dans un but altruiste pour améliorer la société. Je ne suis pas dans une démarche de provocation. Je ne suis pas rebelle, ce n’est pas du tout mon tempérament.
"Si on veut, tout ne fait que commencer. L’art et la littérature sont le reflet d’une époque."
Que pouvez-vous répondre à ceux qui définirait cette réflexion d’utopique ou chimérique ?
Ce serait un compliment ! On a tous besoin de rêver. L’utopie est l’exemple le plus parfait pour que la société tende à lui ressembler. Je répondrai : "Merci, pourquoi pas !" [Rires]
Vous êtes juriste et fondatrice de Universita Honorum, "L’Institut des talents et du savoir créatif", qui porte vos idées. Le principal mot d’ordre dans l’apprentissage, c’est vraiment se délester des contraintes qui nous entourent ?
Oui mais dans une certaine limite. Quand je parle de créer pour soi-même, c’est aller plus loin dans le perfectionnement. L’idée est de s’élever et de se surpasser. Il s’agit de retranscrire l’idée qu’on a à l’instant.
Vous pensez vraiment qu’on peut se réinventer ou s’émerveiller de nouveau aujourd’hui ?
J’aimerais combattre ce désenchantement. Évidemment que l’on peut créer et explorer plein de sphères. On est tellement inondés par du "Déjà vu" ou des œuvres qui ressemblent les unes aux autres que l’on a cette impression. Si on veut, tout ne fait que commencer. L’art et la littérature sont le reflet d’une époque. C’est une époque où ce qui me donne envie d’explorer encore plus, car il existe beaucoup de génies qui n’arrivent pas à émerger. Le destructuralisme libérateur, dans ses ambitions, souhaiterait répondre à tout cela.
"Si l’IA, comme ChatGPT, crée et pense pour nous, alors c’est catastrophique."
Vous pensez que l’on est dans une époque qui vit dans la nostalgie ?
Oui ça l’empêche d’avancer car on n’arrive pas à innover beaucoup dans l’art ou la littérature. Les sciences, la technologie évoluent rapidement et parfois plus vite que notre compréhension. Paradoxalement l’art, la littérature et la créativité ont été délaissées. Il y a peu de recherches de nouveautés dans ces axes.
Les cerveaux pourraient s’épanouir dans l’IA ?
Le problème de l’IA vient de la façon dont elle est utilisée. Si on l’utilise comme un instrument d’information, de documentation… Pourquoi pas. Mais rien ne vaut les bibliothèques ! [Rires] Si l’IA, comme ChatGPT, crée et pense pour nous, alors c’est catastrophique. Il est très urgent de l’encadrer au maximum.
Que pouvez-vous souhaiter à la génération Z qui baigne dans l’ère de la comparaison sur les réseaux sociaux et dorénavant dans l’IA ?
Je souhaite pour eux de préserver leur spontanéité, d’utiliser toute cette technologie à bon escient et de ne pas se reposer sur des modèles ou des schémas déjà existants. Osez l’audace !
Que faut-il esquiver pour réussir dans ce que l’on aime ?
Le jugement, la jalousie, l’envie… Tous ceux qui souhaiteront faire barrage et surtout ne jamais se décourager !
"A l’aube d’un art nouveau" d’Audrey Ouazan.