INTERVIEW

Alexandre Mazzia, chef du village olympique Paris 2024 : "La cuisine, c’est ma vie, et je cuisine avec ce que je suis, car je ne sais pas faire autrement."

Publié le

2 octobre 2023

Qu'est-ce qui fait courir le chef triplement étoilé, Alexandre Mazzia ? Ce matin-là, c’est le service déjà bien animé de son restaurant ouvert à Marseille depuis 2014, où le succès ne fait pas de pause. Le grand cuisinier (et par la taille, avec 1m95), quant à lui, finira par en prendre une avec nous, le temps de cet entretien. Nous le retrouvons en visioconférence, dans un brouhaha ambiant et un cliquetis d’assiettes en fond sonore. Né au Congo, cette toque est aujourd'hui la coqueluche marseillaise d’une cuisine créative et audacieuse inspirée de son histoire. Ancien disciple de Pierre Hermé, Alain Passard, ou Pierre Gagnaire, ce talentueux gourmet de 47 ans a déjà remporté de nombreuses récompenses : 3 étoiles au Michelin, cinq toques au Gault&Millau, et le prix One to Watch 2022, du chef prometteur de la liste des World's 50 Best restaurants. Son prochain coup de food : les Jeux olympiques de 2024, car cet ancien basketteur a été recruté pour imaginer les repas des athlètes. D’un œil (littéralement) rivé sur les faits et gestes de sa brigade, il aborde son parcours, sa vision de la gastronomie, ses inspirations, ses projets ainsi que l’importance d'être soi-même et de jouer collectif en cuisine.

Alexandre Mazzia

2023 est une année riche en actualités pour vous, puisque vous avez enchaîné de grands projets tels que l’ouverture de votre académie AM et une collaboration avec la maison de cognac Martell. Le dernier en date : le food truck Michel que vous aviez inauguré en 2020 et qui a rouvert depuis septembre. D'où vous est venue cette envie de le lancer ? Ce concept semble quelque peu éloigné de l’univers d’un chef triplement étoilé...

Le food truck est en l’honneur de mon grand-père Michel qui était pêcheur à l’île de Ré. L’idée était d'avoir un lieu, un marchand de gourmandises avec surtout mes propres racines, celles aussi africaines, que nous avons complètement réinterprétées. Par exemple, je prépare le saka saka ou le mafé à ma manière, de façon beaucoup plus lisible pour les gens, ce qui crée des surprises gustatives. Mais c'est aussi quelque chose que l'on n'a pas l'habitude de voir, mais qui me parle personnellement, comme la banane plantain au gel de piment … Ce sont des plats que l'on fait aisément au food truck.

Est-ce aussi par goût du challenge ?

C'était surtout une envie. Pendant le confinement, nous avons réussi à créer des liens avec les habitants du quartier, qui nous appelaient les “marchands de bonheur”. Je crois donc que nous avons apporté du bonheur. Du coup, nous avons décidé de continuer dans cette veine-là. L'objectif était de montrer l'étendue de ce que je suis capable de réaliser de manière un peu différente et plus accessible.  

L'idée était donc de démocratiser votre cuisine ?

Oui, mais ce qui est le plus intéressant, c’est de faire découvrir, par exemple, la banane plantain, frit, à base de farine de manioc, avec un gel de piment et de gingembre aux personnes qui ne la connaissaient pas trop autrement qu'en ragoût. Les glaces à l'italienne, chez nous, sont faites de peaux brulées d'oranges et de pamplemousse. On est vraiment dans des teintes qui m'inspirent. Le but était de montrer notre identité un autre aspect .

"Entre la cuisine et le sport, il y a beaucoup de similitudes comme l'hygiène de vie, la rigueur, la performance, la pugnacité et la répétition."

J’ai évoqué le challenge au début de l’entretien. Vous allez en relever un, en 2024, car vous êtes l'un des trois chefs des Jeux olympique de Paris. Qu'est-ce que cela représente pour vous ? Est-ce une victoire ?

C'est une fierté. J'ai d'ailleurs été très surpris lorsque j'ai découvert qu'on m'avait également inclus dans le clip du slogan des Jeux olympiques. Je serais donc le seul cuisinier à en faire partie, ce qui est, à mes yeux, assez extraordinaire. C'est la première fois que les J.O. se déroulent à Paris, l’un des plus grands événements sportifs au monde. Être présent à ce rendez-vous-là, c'est incroyable et inespéré pour moi. J'en suis d'autant plus honoré car ils souhaitaient un savoir-faire à la française, et cela permet de montrer la spécificité de notre territoire, ainsi qu’une identité culinaire qui représente aussi la gastronomie de la France. C'est aussi une fierté de contribuer directement à la performance des athlètes. La nutrition est indispensable pour leurs performances et pour leurs récupération. Je fais donc un énorme travail avec des nutritionnistes, des médecins du sport ainsi que les fédérations, ce qui m’a permis de parfaire mes connaissances et mes compétences. Donc, oui, c'est un honneur ! Quand on m'a proposé de participer à ce projet, j'ai dit : "Oui, mais pas à n'importe quel prix". J’avais un cahier des charges qui était évident pour moi, comme la traçabilité et la provenance des produits. Mon objectif était de mettre en exergue notre pays de manière intelligente, car il s'agit d'un événement majeur.

Food truck ©David Girard

Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette aventure ?

On m'a téléphoné tout simplement pour me proposer de faire partie de ce projet. J'ai évidemment répondu : “Avec grand plaisir”. J'ai d’ailleurs appris que de nombreuses personnes avaient postulé, mais ce n’était pas mon cas. Je pense que l’on m’a contacté en raison de mon parcours atypique, car j’ai été un sportif.

C'est un retour aux sources. Le sport est un domaine qui a toujours fait partie de votre vie...

Bien sûr, le sport m'a éduqué. Et l'hygiène de vie que j’ai adoptée pendant de longues années fait sens pour moi. C'est la continuité de mon parcours, et à chaque fois, je suis toujours étonné par les nombreuses surprises qui s'y font. Je pense que si j'avais écrit ce que je voulais faire, je n'aurais jamais envisagé tout ce qui s’est passé. Mais c'est aussi cela la beauté des choses : elles arrivent spontanément, avec toujours de belles surprises, et c'est ce qui les rend fantastiques.

Voyez-vous des similitudes entre l’univers de la cuisine et le sport ?

Oui, il y a un parallèle dans l'hygiène de vie, la rigueur, la performance, la pugnacité et la répétition. On en trouve aussi énormément dans la préparation physique et mentale, dans la résistance, et dans la précision. Tous ces éléments sont liés et prennent tout leur sens aujourd'hui.

Avant d'enfiler la toque, vous aviez mouillé le maillot en tant que basketteur professionnel ...

Oui, j’ai joué au basket jusqu'en Nationale 1, et j’ai également fait partie de l’équipe de France espoir et cadet. Je suis un cuisinier qui a fait du basket. Mais bien que j’ai pratiqué ce sport au niveau professionnel, j'ai toujours fait de la cuisine à côté.  

"Tout comme le sport, la cuisine a été un élément essentiel dans ma construction."

La cuisine a donc été toujours présente chez vous, mais ça n’était pas une vocation au départ...

La cuisine a toujours été importante pour moi, dans le sens où j'ai toujours aimé offrir et faire plaisir. Il y a 15 ans, à cette époque, mes amis étaient toujours ébahis quand ils voyaient le résultat de mon chou à la crème. La cuisine m’a toujours attiré. Tout comme le sport, elle a été un élément essentiel dans ma construction, d'autant plus que je suis arrivé d'Afrique à l'âge de 15 ans. Petit à petit, je me suis lancé dans cette nouvelle aventure. J'ai travaillé sans compter, sans me rendre compte de l'investissement que cela représentait, parce que j’étais curieux de tout et un véritable boulimique de travail. C'est ce qui a forgé la personne que je suis aujourd'hui.

D’où vient donc cette passion pour la gastronomie ?

Cette passion vient des repas de famille. Je suis né au Congo, où les repas et le partage sont importants. Ils réunissent les familles, c’est un moment sacré. Ce goût pour la gastronomie m'a permis de mieux comprendre le contexte historique, notamment celui de la France. Elle vous donne une ouverture à la culture ainsi qu’à l'artisanat, et cela crée ainsi de nombreux liens et passerelles entre eux. C'est ce qui m'a nourri.

Le restaurant AM ©Philippe Vauräs Santamaria

A quel moment avez-vous réalisé que vous vouliez être chef cuisinier ?  

Je ne me suis jamais dit que j'allais en faire mon métier. J'ai simplement continué à travailler de manière très disciplinée. C'est mon entourage et les chefs qui m'ont fait confiance, qui ont vu quelque chose de différent en moi.  À aucun moment, je ne me suis dit : “Un jour, je serai chef de cuisine”. De même que, je n’ai jamais eu l’intention d’ouvrir un restaurant au départ. Je l'ai fait finalement en 2014 parce que je n'avais pas le choix. Toutes les opportunités que l'on me proposait impliquaient de composer avec des employeurs, alors que je n'en avais plus envie. Et je ne pouvais plus repartir à l'étranger, car je devais rester à Marseille pour des raisons familiales. Résultat : je me suis retrouvé là sans vraiment le vouloir.  

Vous avez notamment débuté votre carrière auprès des chefs Pierre Hermé et Alain Passard. Que retenez-vous d'eux ? Qu’avez-vous appris à leurs côtés ?

Je garde de très bons souvenirs, et je pense qu’eux aussi. Quand j'ai eu ma troisième étoile, Pierre Hermé et Pierre Gagnaire étaient là. Chaque fois que l'on se voit, on s'embrasse très fort, car je crois qu'ils voient en moi, non seulement l’élève, mais aussi le collaborateur rigoureux et loyal. Ils savaient qu'ils pouvaient compter sur moi n’importe quand, comme moi, j'ai pu compter sur eux par la suite. À leurs côtés, ce j'ai appris, c’est un regard différent et une approche du management différente. Quand vous travaillez pour Alain Passard, vous découvrez une personne envoûtée, qui a un rapport particulier à la main et à la flamme. Lorsque vous êtes chez Pierre Gagnaire, vous voyez une espèce d'émulsion créative avec une identité très contemporaine. En Espagne, dans le laboratoire de Martín Berasategui, vous êtes dans un univers moderne en dehors des carcans, avec des cuisines un peu similaires mais très créatives, et une liberté assez forte. Tout cela, m'a permis indirectement de comprendre beaucoup de choses, mais j’ai surtout appris, grâce à eux, qu'il fallait simplement être soi-même et faire ce que l'on est.  

"Quand j'ai ouvert, tout le monde me disait : ‘Qu'est-ce que tu fais à Marseille ? Ça ne marchera pas. Il n'y a pas de public’."

Revenons à votre restaurant AM. Vous avez mentionné l’avoir ouvert en 2014 parce que “vous n'aviez pas le choix” à ce moment-là...

Je repartais à New York, mais ma femme m'a alors informé que son père était malade et m'a demandé de rester. À ce moment-là, je n'avais pas de place à Marseille, donc la seule option qui me restait était d'ouvrir mon propre établissement. Un jour, un copain m'a emmené dîner dans un restaurant un peu bizarre, où les clients jouaient aux cartes et fumaient des cigarettes. La propriétaire m’a raconté qu’elle vendait ce lieu, mais je ne me voyais pas là-dedans. Puis, mon ami m’a dit : “Regarde, c'est petit et tu n’as rien à perdre”. En effet, je n'avais pas d'argent et plus rien à perdre. C'est ainsi que je me suis lancé dans cette aventure. J’ai fait de cet endroit un peu étrange, au départ, une destination mondiale de la gastronomie.  

©David Girard

C’était un pari assez risqué ? À cette époque, Marseille était quasiment un désert gastronomique …  

C'est sûr ! Quand j'ai ouvert, tout le monde me disait : “Qu'est-ce que tu fais à Marseille ? Ça ne marchera pas. Il n'y a pas de public”. Alors qu'aujourd'hui, beaucoup de parisiens et de personnes à l’international viennent me demander des conseils pour ouvrir un restaurant, par exemple. J'ai donc été un peu le fer de lance de quelque chose de nouveau qui se passe ici, à Marseille, c'est indéniable. Mon équipe et moi-même, sommes très heureux depuis l’ouverture de ce restaurant, car nous avons reçu des récompenses et énormément de lettres de félicitations. Les gens ont compris qu’il était possible de créer la curiosité et de gérer une entreprise qui attire des clients venant du monde entier, en restant soi-même et sans répondre à des codes bien spécifiques.

"Je vis avec mes 3 étoiles depuis le début de ma carrière en cuisine. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. C'est le résultat d'une vision, d'un regard sur la cuisine, d'une manière de travailler avec transparence et honnêteté."

Selon vous, la gastronomie française est trop formatée ?

Je pense qu'actuellement, la gastronomie s'est émancipée. Les jeunes cuisiniers veulent se réaliser et montrer qu'ils sont "cool". Cependant, avant de l'être, il faut prendre en considération la responsabilité nutritionnelle, celle de nourrir les gens, tout comme le savoir-faire à la française. Quand on ouvre un restaurant, on a également des responsabilités environnementales et civiques. C’est important d’en prendre conscience et d'en mesurer l'impact. Aujourd'hui, il y a de jeunes talents qui s'émancipent et qui réalisent un travail remarquable. Mais il ne faut ne pas perdre de vue la rigueur nécessaire. Un restaurant doit fonctionner de manière structurée, et les clients ont des attentes élevées, il ne faut jamais les décevoir.  

Votre restaurant AM a décroché les 3 étoiles Michelin (seuls 29 établissements ont reçu cette distinction en France en 2023) en seulement six ans d'ouverture. Est-ce une pression pour vous ?

Je vis avec mes 3 étoiles depuis le début de ma carrière en cuisine. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. C'est le résultat d'une vision, d'un regard sur la cuisine, d'une manière de travailler avec transparence et honnêteté. Je pense que les gens ont aussi vu ça, ainsi que notre rigueur dans la sélection des produits, des maraîchers, des producteurs, et notre engagement environnemental. Cette rigueur-là est aussi forte que celle que l'on s'impose au quotidien pour donner le meilleur, de manière intelligente et non militaire. L'idée est d'être structuré, et de se prendre au sérieux sans se prendre au sérieux. Je considère qu'il est important de savoir ce que l'on fait chaque jour, pourquoi on le fait, et comment on peut s’améliorer. Ce que l'on fait aujourd'hui, on doit le faire encore mieux demain, comme aiguiser son goût. Chaque jour devrait être ainsi. Il faut également savoir où l'on veut aller, avoir en permanence des objectifs et évoluer constamment. Nous avons toujours été réactifs, c'est ce qui fait la force de notre restaurant. Nous avons progressé rapidement, car nous sommes incroyablement curieux. Personnellement, je suis d’une insatiable curiosité et j'aime ce que je fais. Tous les jours, mon rôle est de maintenir un équilibre mental et de rappeler qu’il faut toujours garder le plaisir de faire plaisir.

"La cuisine, c’est ma vie, et je cuisine avec ce que je suis, car je ne sais pas faire autrement."

Vous utilisez souvent le terme de curiosité, c'est ce qui guide le chef que vous êtes ?

Je pense que c'est inévitable si vous n’êtes pas curieux, vous n'avancez pas. Si vous n'êtes pas curieux de produits, des gens, des autres cultures, de techniques, forcément, vous stagnez au bout d’un moment.

©David Girard

Votre cuisine est réputée pour sa créativité et ses associations inattendues. Selon le guide Michelin, vous êtes un “véritable chef artiste portant la petite portion au rang d'art ”. D'où tirez-vous ces inspirations ?

Comme je vous disais, quand on est curieux, on l’est de tout forcément, de ce qui se passe autour de nous, d'art contemporain, de sculpteurs, des musiques, de danses, etc. Inévitablement, cela nourrit l’âme. Et lorsque l’on a cette curiosité, forcément, cela inspire et révèle des choses en nous, comme une chanson, une odeur, une couleur, une forme ou une structure.

Vous évoquez souvent le voyage comme inspiration sur Instagram. Vous êtes d’ailleurs né et vous avez grandi au Congo jusqu’à l’âge de 14 ans. Est-il aussi une inspiration importante dans votre cuisine ?  Comment l'influence-t-elle ?

Les souvenirs de mon enfance viennent de là, comme le saka saka, le manioc, les couchers de soleil que je regardais avec ma mère tous les soirs, ou encore les Gorges de Diosso avec les falaises de roche ocre. Les poissons fumés, les premières palourdes, les capitaines, la plaque métallique sur un barbecue, avec son côté légèrement ferreux, pour faire griller le poisson ... Toutes ces images m’ont forcément marqué. Elles font parties de moi. Alors que certains voient la papaye ou la mangue comme des fruits exotiques, pour moi c'est juste normal, j'en mangeais tous les matins au petit-déjeuner. Cela fait partie de ma culture et de mon ADN. Petit à petit, mes racines ont tout simplement pris le pas sur ce que je suis. Je ne suis pas allé chercher au profond de moi-même, ça s'est construit de manière naturelle.  

©Matthieu Cellard

Votre approche culinaire est souvent qualifiée de “cuisine de l’émotion”. Qu’est-ce que cela vous évoque ?

La cuisine de l’émotion touche les gens par les structures, les structures, les associations, et rappelle un souvenir. Certains peuvent émotifs et vont pleurer. D'autres vont être émerveillés, et il est même arrivé que des chefs cuisiniers venus manger chez nous, me disent : "Maintenant, j'ai l'impression de ne plus savoir cuisiner." Plein d’émotions se passent en eux, parce que notre cuisine est unique et différente.

Comment décririez-vous votre style de cuisine ?

C’est une cuisine du moment, vivante. La cuisine, c’est ma vie, et je cuisine avec ce que je suis, car je ne sais pas faire autrement. Je ne vais pas faire des choses que je ne maîtrise pas, je ne vais pas copier ce que font les autres, cela ne m'intéresse pas. Je n'ai pas de style particulier, je cuisine tout simplement.

"Pour moi, il était important de faire de l'inclusion sociale et sociétale avec des jeunes qui sont parfois en difficultés scolaires, ainsi que de valoriser le territoire par la cuisine et par le basket."

Quel est votre plat signature ?

Ce qui fait la singularité de ce restaurant, c'est qu’il n’y a pas de plat signature, à part, l’anguille fumée avec du chocolat et de la harissa à la framboise qui a fait le tour du monde, parce que je pense que personne n’en a jamais mangé. Je pense que l'équilibre des saveurs fait que ça reste toujours un étonnement.

Y a-t-il des chefs qui vous ont particulièrement influencé ou que vous admirez ?

Pierre Gagnaire, Michel Guérard dont j'admire beaucoup le parcours et leur façon de faire. Il y a plein de chefs comme Arnaud Donckele qui sont juste incroyables et fantastiques.

© David Girard

Est-ce qu’il existe une rivalité entre chefs, comme dans certains clubs sportifs, entre la gastronomie marseillaise et parisienne ?

On a le soleil, on a les produits, comme j’aime souvent dire : "La Provence, c’est le jardin de la France." [Rires] Il n’y a aucune concurrence possible parce que l’on est meilleur à Marseille. [Rires] Je pense que même dans notre communauté, entre les chefs, il y a une vraie fraternité et les gens sont heureux de se revoir. Il n'y a pas de rivalité entre nous.

Vous avez  le chef à suivre en 2022 d'après le World's 50 Best restaurants, le palmarès des meilleures tables du monde organisé chaque année par la revue britannique Restaurant. Qu'est-ce que ça fait de remporter un tel titre ? Qu'est-ce ce qu’il a changé pour vous ?

C'est juste le fruit d'un travail acharné. Nous sommes fiers de ce genre de récompense. Elle a changé le regard des autres. Au niveau international, cela a attisé une curiosité supplémentaire des gens du monde entier, et j'en suis heureux. Cependant, dans mon quotidien, cela n’a rien changé pour moi. C'est un plus, et c'est également une fierté pour mes collaborateurs, pour la ville, ainsi que pour les personnes qui travaillent avec vous. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas uniquement du chef, mais d'une équipe aussi : des maraîchers, des pêcheurs, des producteurs et de bien d’autres acteurs. Donc, je considère que lorsque nous recevons des prix comme celui-ci, c'est une reconnaissance collective, pas seulement la mienne.

Vous êtes aussi un chef engagé. Vous avez créé une association l'Académie AM cet été, un complexe sportif dédié au basket et à l’éducation de la nutrition, en plein cœur de Marseille. En quoi était-ce important pour vous ?

Je cherchais à ce que le travail que j'ai réalisé pour les Jeux olympiques puisse continuer et contribuer à la ville de Marseille, et aussi qu’aux enfants à travers le basket. Il était important de faire de l'inclusion sociale et sociétale avec des jeunes qui sont parfois en difficultés scolaires, ainsi que de valoriser le territoire par la cuisine et par le basket. Nous voulons révéler des talents aussi bien par ce sport que le côté ludique, et parler de nutrition. Et permettre aussi à ces académiciens d'accéder à la sculpture, à la musique et à l'art, en général, pour susciter des vocations. C'est une transversalité entre la cuisine et le sport : tout ce que j’ai accompli jusqu'aujourd'hui.

Alexandre Mazzia ©Philippe Vauräs Santamaria

C’est un projet social qui porte donc sur l’inclusion à Marseille. Et vous avez mentionné à plusieurs reprises le terme "responsabilité" dans votre métier. Avez-vous le sentiment d’en avoir une, vis-à-vis de cette ville ?  

Pas du tout. Je fais les choses qui me tiennent à cœur. J'essaie d'aider au maximum les personnes qui m'entourent avec ma voix qui est maintenant beaucoup plus entendue. Je cherche comment je peux apporter mon aide à ma communauté. Je considère important de partager avec elle des valeurs comme celles du sport collectif, de la nutrition, du partage, de la bienveillance, surtout dans la société compliquée dans laquelle on vit aujourd'hui. Donc, si je peux contribuer à cela, je le fais volontiers. Je veux agir et enseigner à mes enfants que nous sommes là aussi pour être des passeurs, car il est important pour moi de transmettre et de redistribuer ce j’ai reçu. Je sais qu'un jour, je ne serai plus là, donc je veux laisser un héritage.  

Finalement, vous avez tout gagné. Vous avez collectionné les récompenses ces dernières années : les étoiles, les prix internationaux et les titres prestigieux. Qu'est-ce qui vous motive encore aujourd'hui ? Avez-vous encore d'autres rêves ?

Moi, je ne suis pas un rêveur, je suis un pragmatique aigu. Ce qui m'intéresse, c'est le quotidien et la manière dont je peux contribuer à construire l’avenir. Mes projets professionnels se réalisent, c’est super, mais maintenant, mes projets en tant qu’homme et en tant que père prennent le relais. Je crois que tous les objectifs de vie sont accomplis si l’on a réussi son boulot de parent. Donc, je me concentre plutôt sur mon rôle de papa, où j’apprends tous les jours. C'est mon job à plein temps.

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