ARTS
Pour sa deuxième exposition, intitulée “Les Formes de l’Oubli”, la galerie Camille Pouyfaucon (Paris VIème) présente le travail de trois jeunes artistes, jusqu’au 4 février 2023. A travers leurs œuvres aux accents surréalistes, Léa Simhony, Laura Garcia Karras et Mercedes Semino s’amusent avec les notions de temps et de mémoire.
Des fleurs, du multichrome, du graphisme... La représentation morose et sans saveur de l'oubli n'est qu'un lointain souvenir pour Léa Simhony, Laura Garcia Karras et Mercedes Semino. Ces trois jeunes artistes présentent leur travail sur "Les Formes de l'Oubli" à l'ambitieuse galerie Camille Pouyfaucon (Paris VIème), jusqu'au 4 février 2023. "Il faut oublier pour rester présent, oublier pour ne pas mourir, oublier pour rester fidèle", nous enseigne l’anthropologue Marc Augé dans son essai du même nom (Les Formes de l’Oubli, 1998). L’oubli est donc un impératif, car c’est par lui qu’émerge le souvenir, et la narration d’un avenir. À travers cette exposition, les œuvres de ces trois artistes se construisent comme des témoins du temps, rappelant un passé oublié, tout en imaginant un futur.
Symbole de l’éphémère, la fleur occupe une place centrale dans la peinture de Léa Simhony, qui en empêche en quelque sorte le déclin, et la fige à tout jamais. Ses bouquets émergent de paysages abstraits, graphiques, figurant une forme d’absence. Et pourtant, d’une friche, d’une terre oubliée ou surexploitée- la vie, déposée par le pinceau de l’artiste fan de Pedro Almodóvar, tenant essentiellement à deux ou trois couleurs. La jeune allemande diplômée des Beaux-Arts de Paris cultive ainsi son jardin au milieu de ruines et de vestiges, pour leur conférer une nouvelle existence.
Pour Laura Garcia Karras, l’oubli est indissociable du passage du temps et de la mémoire, qu’elle matérialise par des couches successives de peinture à l’huile.Réalisées d’un geste net, elles disparaissent les unes sous les autres, comme des strates formées avec le temps. Si la lenteur est chère à l’artiste, c’est parce qu’elle permet de redonner chair aux images, souvent noyées dans le flux que nous percevons constamment. Sous leurs aspects NFT, ses fleurs senteur Dalí ont des pétales de huit couleurs. Son épiphanie naturaliste, l’artiste originaire de Bruxelles et diplômée de La Cambre l’a eue enfant, lorsqu’un fossile ramassé lui fait soudainement prendre conscience du passé perdu, ancré dans cette pierre. Depuis, l’ancienne résidente de Poush impose son rythme, et ses milles et une idées.
Architecte de l’illusion, Mercedes Semino troque les motifs naturels pour des ruines contemporaines aux couleurs prémodernes. Dans ce décor surréaliste, inutile de chercher une perspective logique. L’artiste s’amuse à nous perdre dans un labyrinthe d’escaliers sans arrivée pour mieux nous interroger sur l’appropriation humaine de l’espace, à l’épreuve du temps. La texture granuleuse de ses toiles architecturales convoquerait une ancienne fresque de Giotto sortie de l’oubli. Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2018, Mercedes prolonge l'aspect granuleux dans ses céramiques design, contrastant avec la rigidité des lignes qui les ornent. Voilà de quoi contrarier les angles droits qui n’existent aussi parfaitement que dans les sociétés industrialisées.
Face à une époque de l’instantanéité et de l’éphémère, nos trois artistes figent le temps qui passe à travers leur toile, évoquant ainsi l’importance de la mémoire et nous livrent leur vision de l’oublié et du remémoré.
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