INTERVIEW

Asphalt : "J’aime que la scène soit une aventure avec les autres."

Publié le

20 décembre 2024

Une bouffée d’air frais souffle sur la scène rock française avec Asphalt, de son vrai nom Milo Thoretton. Artiste, mannequin et même acteur, il a façonné un univers sonore mêlant énergie rock et mélancolie. Son nouveau single "Lame de Fond" marque un tournant, affirmant son désir de suivre son instinct et de s’amuser quoi qu’il arrive. Son premier EP Cocktail Exil, attendu au printemps prochain, promet une immersion dans une œuvre empreinte de sincérité et de vibrations, à l’image de l’artiste.

Asphalt ©Ellen von Unwerth

Vous dites souvent que votre nom d’artiste est un parallèle entre l’Asphalte, la route, et la nature. Cela transcrit-il une forme de dualité dans votre personnalité ?

Je crois que j’ai toujours aimé partir. Avant de faire de la musique, j’ai eu cette période ou je voulais être photographe, du genre photographe animalier. J’ai fait plusieurs voyages assez dingues, je suis allé par exemple dans le nord, à côté du Groenland. C’est une manière de partir pour se sentir seul sans l’être vraiment. Quand je suis proche de la nature, je n’ai pas le sentiment de solitude. Mais d’un autre côté, je suis un vrai parisien, j’ai besoin de faire la fête, d’être entouré. "Asphalt", c’est la volonté de toujours vouloir partir mais, au final, de toujours vouloir rentrer.

Pouvez-vous me parler un peu de votre enfance et de l’enfant que vous étiez ?

Je crois que j’étais un gentil petit garçon, du moins c’est ce que ma mère dit, même si je ne la crois pas trop. [Rires] Je ne me souviens pas de tout mais j’ai beaucoup joué aux jeux vidéo, surtout Pokémon. J’ai fini très jeune par me forcer à arrêter car j’ai des tendances à vraiment plonger dedans. J’ai toujours été absorbé par tous ces trucs-là.

"Au fond de moi, j’ai toujours eu envie de gueuler comme tous les rockeurs, de me lâcher complètement."

On pense souvent que les enfants de célébrités vivent une vie à part. (La mère de Milo est l’actrice Chiara Mastroianni). Comment vos influences familiales vous ont-elles aidé dans votre parcours créatif, tout en vous permettant de vous forger une identité propre, indépendamment de la notoriété ?

Mes parents sont juste des gens qui aiment la culture, ils m’ont fait regarder beaucoup de films, j’ai beaucoup écouté de musique. On m’a poussé à être curieux. J’ai commencé à m’intéresser en profondeur à ce que je regardais quand j’étais au collège. Mais ce n’est pas si particulier, il suffit d’être dans une famille où les gens aiment ça, ce n’est pas tant lié à leur notoriété. J’ai été élevé dans un environnement où nous sommes sensibles à l’art. A force, j’ai fini par devenir exigeant mais sans devenir amer, je me suis affiné. Là où j’ai peut-être plus de chance, c’est que devenir artiste était accessible pour moi, plus autorisé. Ce n’est pas le choix le plus normal, le plus logique que de faire de la musique et on peut trouver cela inconscient. Mais je suis content d’être inconscient. Je n’ai pas eu mes parents qui m’empêchaient ou me décourageaient d’explorer les choses.

Où aimeriez-vous que votre musique soit écoutée ?

Dans la voiture ! La meilleure manière d’écouter la musique, c’est sur la route. Il y a un rapport avec la vitesse, une histoire qui se crée. C’est un entre-deux parce que, je ne veux pas non plus être trop dans l’analyse d’une chanson quand je conduis mais je n’ai pas envie non plus que la musique soit un bruit de fond. C’est parfait.

Votre dernier single "Lame de fond" se démarque du reste de vos morceaux par son ambiance plus pop, dansante et moderne. Pouvez vous nous parler de la construction de votre évolution musicale ?

J’ai toujours voulu faire de la musique "fun". Avant j’étais dans une vision plus "dark", j’écoutais pas mal de grunge, des trucs comme Joy Division, un peu nocturnes. Plus tard, j’ai pas mal produit pour un rappeur qui s’appelle Damys, donc avant d’aller à fond dans mon projet, j’étais vraiment dans des styles trap, hip-hop, avec des sonorités peu joyeuses. C’était cool mais je pense que je me complaisais un peu là-dedans. Je pense aussi qu’au démarrage, on est un peu anxieux, et que faire de la musique sombre est une sorte de refuge. C’est une niche où on ne peut pas juger l’artiste. Au fond de moi, j’ai toujours eu envie de gueuler comme tous les rockeurs, de me lâcher complètement, que ce soit la teuf. J’ai pu essayer à l’époque mais sans jamais sortir ces titres-là. J’avais peur, peur de faire de la musique plus fun, plus risquée. On se met plus en danger quand on va dans ce registre. Et donc à la fin, j’ai fini par sortir mon single "Lame de Fond". Je me suis plus libéré sur ce morceau qui est plus vivant, plus coloré.

Vous parlez beaucoup de la solitude. Vous voyez-vous collaborer avec d’autres artistes, ou tenez-vous vraiment à garder le contrôle sur votre art ?

Non, par exemple, je veux toujours faire le live avec des gens. Sauf si on me force. [Rires] Même avec un budget plus limité ou moins de possibilités, je trouverais toujours un moyen d’être entouré de potes, de musiciens… Il y a aussi en studio, quand je produis des chansons que nous sommes plusieurs. Pour l’inspiration, c’est la même chose, j’appelle mon pote Paul, on se pose on sait qu’on va trouver un truc, on peut dériver et finir par faire des solos de guitare etc… On est remplis d’idées. J’avais peut-être cette vision de vouloir être un grand guitariste, que ce soit moi qui joue partout mais c’est beaucoup mieux d’être à plusieurs.

"J’aime que la scène soit une aventure avec les autres."

Que ressentez-vous quand vous êtes sur scène ?

Il y a un moment hyper décisif : c’est le premier titre. Il y a un peu de stress même si je suis vraiment content d’être là, je me demande toujours s’il va y avoir un problème. Une fois passé c’est que du fun, que de la joie. Les jours avant le show j’aime être avec les musiciens, et avant d’entrer sur scène, je déteste attendre. Je pense souvent aux DJ qui doivent passer seul devant tout le monde, qui patientent en attendant leur set, je ne les envie pas du tout et je leur souhaite d’avoir des managers cool. [Rires] J’aime que la scène soit une aventure avec les autres. Qu’il y ait des souvenirs. Qu’une fois terminé, on parle entre nous, cela me rendrait triste de devoir faire une représentation vraiment seul et de ne pouvoir le partager avec personne.

Asphalt ©Ellen von Unwerth

Vous avez été mannequin, et avez récemment fait une collaboration avec Zadig&Voltaire. Votre père a également réalisé un documentaire, L’Amour Fou, qui explore la relation entre YSL et Pierre Bergé. Y a-t-il des maisons, créateurs ou marques qui vous inspirent sur le plan vestimentaire ? Avec qui aimeriez-vous collaborer ?

Je me suis intéressé tard à la mode, mais il y a des créateurs que j’adore tels que Rick Owens même si je ne peux pas trop m’en acheter. [Rires] J’ai juste une pièce qui est d’ailleurs le jean que je porte actuellement. La marque DRKSHDW de Owens me plaît dans ses créations légères, et simples. J’adore aussi Hedi Slimane qui crée des silhouettes un peu étriquées et en même temps fortes. Mon look préféré, c’est une veste en jean délavé, un peu comme le Serpent dans les Simpson, et sans manches. En bref, j’adore les vêtements. J'aime tout ce qui est cuir.

Avez-vous des projets, des idées ou des rêves que vous aimeriez partager avec nous ?

J’ai cette tendance à ne pas aimer ce que je fais. J’écoute un million de fois mes projets et au moment où ça doit sortir, je doute. Ce sont les lives qui me donnent confiance, voir la réaction du public. Mais ces derniers temps, je prépare un EP et les doutes sont partis. Je l’aime toujours, à chaque seconde, et j’ai vraiment hâte de le sortir. Je bosse aussi sur la création d’un album qui sera assez proche de l’EP. C’est dur de décrire le son mais comme je disais tout à l’heure, il y aura de l’émouvant mais aussi un côté un peu blagueur, un peu fun.

Qu’esquivez-vous dans la musique ?

Les collaborations forcées. Il faut travailler avec des gens avec qui on s’entend vraiment. Je n’ai pas besoin d’être meilleur pote avec tout le monde, mais on va dire qu’il y a d’autres jobs où tu peux trouver un moyen de travailler avec des collaborateurs que tu n’apprécies pas. Dans ce cas-là, je ne vois pas comment. J’esquive aussi le fait de ne pas faire confiance en mon instinct.

Asphalt ©Ellen von Unwerth

Le dessin animé de votre enfance ?

Les Simpson.

Un truc qui vous fait rire à tous les coups ?

En ce moment, le même de la marmotte qui crie "Mamaaa".

L’odeur que vous détestez ?

Celle des câpres.

Si vous étiez un objet ?

Une lampe halogène.

Votre plus grande peur ?

Les câpres ! [Rires]

Comment appelleriez-vous le titre du film de votre vie ?

Y a de la joie un peu tout d’un coup/ Have Fun/ Câpres !

Asphalt, à écouter sur toutes les plateformes.

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