INTERVIEW
Publié le
15 novembre 2024
Deux ans après la sortie de son premier album solo Et alors ?, Adé revient cet automne avec un second disque bien différent, Inside Out Mvmt, réalisé avec le producteur américain Yves Rothman. Si la chanteuse s’était distinguée avec ses mélodies folk et ses airs de country, elle dévoile cette fois-ci douze titres à l’énergie bouillonnante, mêlant ballades, rock et électro. Un cri du cœur et une envie d’oser se livrer, se questionner et se réinventer. Car ce disque témoigne d’une véritable métamorphose de la jeune femme, qui s’adonne à incarner la musique qu’elle crée sur chacun de ses albums. Depuis la séparation avec son ancien groupe au succès fulgurant Therapie Taxi, Adé n’hésite pas à affirmer ses choix à travers ses morceaux, qu’elle soit dans sa phase US-pop-folk ou rock introspectif. Une quête perpétuelle d’énergie et de renouveau.
Votre nouvel album Inside Out Mvmt vient d’être dévoilé. Pouvez-vous me parler de son processus de création ?
J’ai commencé à écrire cet album pendant ma tournée en 2022. Le fait de jouer sur scène tous les soirs m’a montré qu’il me manquait une énergie dans les chansons que je proposais au public. J’avais envie de quelque chose de plus intense, de plus brutal, plus tranché. J’ai donc commencé à écrire les chansons que j’aurais aimé jouer sur scène. Petit à petit, ça a fait naître le fil rouge de ce nouvel album. Ensuite, j’ai continué de l’écrire et j’ai pré-produit toutes les chansons. Je travaille en faisant des maquettes pour trouver les meilleurs arrangements. Puis, je suis passée en studio et on a refait toutes les chansons jusqu’à avoir leurs versions finales.
Vous avez travaillé avec le producteur américain Yves Rothman pour la réalisation de l’album. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Yves Rothman travaille sur beaucoup de projets de rock alternatif et collabore régulièrement avec Yves Tumor. J’ai vu son nom apparaître plusieurs fois dans des projets qui me plaisaient alors je me suis dit que c’était sûrement la personne qu’il me fallait. J’ai eu de la chance car ça l’a intéressé, et il a pu venir à Paris pendant trois semaines. Pour cet album, c’était le chef d’orchestre. On l’a fait à quatre mains. Il a vraiment ramené un savoir-faire et un son qu’on n’a pas en France. Cette nouvelle façon de travailler allait parfaitement bien avec ce disque.
"C’est un album qui parle de plein d’injonctions que je ressens dans mon métier ou même dans ma vie."
La pochette de l’album est assez expressive. Pourquoi ce choix ?
Je n’avais pas forcément d’idées en tête pour la pochette. J’avais repéré une photographe, qui s’appelle Marina Mónaco, avec qui on a ensuite fait des photos à Berlin. Pendant la séance, on a vu une image du même style, alors je lui ai dit : “Vas-y tire moi les cheveux” ! J’avais cette idée du cri, je trouve que ça va super bien avec le titre. Comme si une expression très forte sortait de moi. Parce que, pour moi, ce disque c’est vraiment ça : la brutalité du son mais aussi les paroles dans lesquelles je me dévoile. Je vois ce disque comme un cri qui fait un peu de mal et en même temps un peu de bien.
Le premier single de l’album “More Love” est plutôt rock avec des touches électro. Ce sont des genres que vous comptez explorer davantage ? Va-t-on tout de même retrouver le folk et la country, qui vous caractérisent, dans cet album ?
Il n’y a pas du tout de country dans l’album ! J’aime proposer des choses différentes à chaque fois. J’aime la prise de risque, et j’ai envie d’embrasser le fait que j’aime beaucoup de choses. Je suis constituée de plein d’influences, je ne veux pas m’enfermer dans un truc. Je me suis dit : “Si tu veux faire du rock, vas-y à fond !”. C’est l’énergie qui compte. L’électro c’est la même énergie que le rock selon moi. Il y a quelque chose de très intense, d’assez froid. Le genre électro-rock existe déjà, mais c’est deux genres que j’aime beaucoup et qui se marient bien. Je ne me suis pas mise de barrières pour ce disque. Mais il y a quand même une ou deux balades, qui sont plus basées sur le texte.
Le second single, “Forts”, est assez introspectif et aborde le thème des émotions. Etait-ce important pour vous de faire passer un message à travers cette chanson et à travers l’album en général ?
Ce disque, je l’ai vraiment écrit pour moi. Ce sont des chansons dont j’avais besoin. Je me suis dit : “Ne pense pas aux gens qui l’écouteront mais pense à toi, à ce que tu as envie de dire et comment tu veux le dire”. Je me disais que de toute façon, si je le fais à fond, il touchera forcément des gens. Ceux qui se reconnaîtront à travers le disque sauront qu’il est pour eux. Ce n’est pas vraiment un message, c’est plus un album qui parle de plein d’injonctions que je ressens dans mon métier ou même dans ma vie. Je vais bientôt avoir trente ans, c’est aussi un moment de vie où on se questionne sur la façon dont on s’est toujours défini. J’ai voulu mettre tous ces questionnements en avant dans le disque. On ne peut pas être parfait, et surtout on ne peut pas toujours être ce que les gens ont envie qu’on soit.
En quoi est-il différent de votre premier album Et alors ?, sorti il y a deux ans ? Est-ce que c’était une volonté de marquer la différence ?
Ce n’était pas une volonté à tout prix, mais je voulais que l’énergie soit différente. Donc je ne me suis pas du tout limitée. Les deux albums sont bien distincts. Ce nouvel album sera peut-être étonnant pour certaines personnes mais en même temps, c’est juste une autre facette de moi.
"J’aime avoir des périodes de vie qui correspondent à mon physique et à ma musique."
Que ce soit à travers vos looks ou votre musique, vous vous montrez avec une esthétique plus grunge, sexy et sombre, très différente d’avant. Que doit-on conclure de ce changement ?
J’avais des envies d’évolution naturelles. Il y a quelques années, j’avais déjà envie de me couper les cheveux très courts, mais puisque mon métier est d’incarner des albums, ça me tenait à cœur de finir la tournée du premier album avant de tourner la page et d’évoluer physiquement. Ce n’est pas un personnage mais cela me permet d’incarner davantage ma musique. Ça me fait kiffer d’avoir des périodes de vie qui correspondent à mon physique et à ma musique. C’est d’ailleurs quelque chose que j’admire chez beaucoup d’artistes, quand il y a véritablement une incarnation physique de la musique. J’adore la mode, les photos et le stylisme. Je trouve que tous ces domaines sont très indissociables de la musique. Alors autant y aller à fond et s’incarner soi-même un peu différemment à chaque fois !
Finalement, vous vous rapprochez un peu plus du côté provocateur et sexy qui caractérisait votre ancien groupe Therapie Taxi.
J’avoue que je n’ai pas trop pensé à tout ça. Mais oui, de toute façon, tout est lié. C’est soit en réaction, soit “à cause de”, soit “grâce à”. Il y a toujours des causes à effets. C’est un peu à prendre ou à laisser mais je trouve que ça va très bien avec la musique que je m’apprête à défendre pendant les deux prochaines années.
Après que le groupe se soit séparé en 2021, vous avez débuté votre carrière solo en 2022. Quelle est la chose que vous préférez depuis que vous travaillez seule ?
Tout ! Je me suis découverte. Et je me suis aussi découverte une vraie passion pour la création d’un projet global. Quand on est un groupe et qu’on débute, on ne se rend pas compte de tout ça. J’ai appris ça au fur et à mesure. Aujourd’hui, je sais que quand on sort un disque, il y a aussi une question d’image, de qui va faire les clips, comment j’ai envie d’être habillée, etc… Il y a mille et une questions. Cela fait presque dix ans que je fais de la musique donc ça me permet d’avoir une vision globale du projet. D’ailleurs, je n’ai pas de manager, alors, même si j’aime avoir cette vision globale, parfois c’est dur car j’ai un peu la tête dans le guidon. Cette forme de contrôle sur tout le projet est difficile mais je trouve qu’elle est vraiment kiffante.
A l’inverse, y a-t-il quelque chose qui vous manque ?
Quand on est seule, on a moins besoin de faire de compromis. En revanche, on ne peut pas se reposer sur quelqu’un d’autre. On peut aussi avoir un manque de recul, même si j’ai quand même une équipe autour de moi qui a un regard sur ce que je fais. A la fois, je sais ce que je veux donc je reste maître de ce qui se passe mais le regard extérieur de certaines personnes est très précieux pour moi. Je sais écouter quand il faut, mais parfois c’est ça qui est difficile.
Vous aimez la photographie, la mode, le stylisme... Est-ce que vous pensez à vous orienter dans d’autres domaines à l’avenir ?
C’est sûr que j’ai mille envies. Il y a des choses qui ne me lâcheront jamais, comme le stylisme et l’univers de la mode. Tout ça me fait kiffer. Je ne sais pas encore en quoi cela pourrait se transformer, mais l’avantage de la musique c’est que ça touche déjà à beaucoup de domaines différents. C’est ça qui est génial dans ce métier, j’arrive à assouvir beaucoup de mes passions dans un seul et même métier. J’aime aussi le dessin, la peinture… Mais il va falloir plusieurs vies pour faire tout ça !
"Quand on crée et qu’on se présente sur scène on peut devenir notre pire ennemi."
Vous vous êtes beaucoup produite en festival ces dernières années. En quoi est-ce différent de performer lors d’un festival ou d’un concert en votre nom ?
Dans une salle, les gens savent qui ils viennent voir. Il y a une forme de “on se connaît déjà” ! Ils ne sont pas acquis mais on peut travailler les choses différemment car ils connaissent déjà ma musique. C’est plus intime, les gens participent et se sent ensemble. Alors qu’en festival, c’est l’inverse. On se retrouve devant des gens qui ne savent pas du tout qui tu es. Il faut vraiment réussir à accrocher les gens. Mais il y a toujours une énergie folle, une certaine jeunesse et quelque chose de presque insouciant. Se produire en festival a un côté plus divertissant et moins intime. Je trouve ça génial de pouvoir faire les deux, et je trouve que chaque concert nourrit le prochain.
Vous avez déjà collaboré avec plusieurs artistes, notamment Benjamin Biolay, Nolwenn Leroy ou encore Louane. Pourquoi ne pas avoir fait de featuring dans ce nouvel album ?
Il n’y a pas de collaborations dans ce disque car cela ne s’est pas fait naturellement. Etant donné que c’est un disque très personnel j’aurai eu du mal à inviter quelqu’un dessus, car quand on fait un featuring, on écrit un couplet sur deux. Je n’ai pas ouvert mes portes car j’étais à fond sur ce disque, mais c’est un exercice hyper intéressant à chaque fois donc j’aimerais vraiment retravailler avec d’autres artistes à l’avenir.
Que faut-il esquiver dans la musique selon vous ?
Beaucoup de choses ! Les gens qui ont trop d’égo, les travers de l’industrie et parfois soi-même… Car quand on crée et qu’on se présente sur scène on peut devenir notre pire ennemi. Alors il faut parfois s’esquiver soi-même pour délivrer le bon message.
"Inside Out Mvmt", disponible dès aujourd’hui.
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