INTERVIEW

Ramy Fischler : "Mon métier, c’est être dans une situation compliquée et essayé d’en sortir. C’est l’art de la fugue, de la fuite, de l’esquive."

Publié le

21 février 2024

Designer, scénographe, entrepreneur… Ramy Fischler enchaîne les projets d’envergure depuis plus de vingt ans. Diplômé de l’École nationale supérieure de création industrielle en 2004, pensionnaire de la Villa Medicis à Rome, fondateur du Studio RF en 2011, directeur du département architecture de Chanel pendant 5 ans, décoré de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication en 2016 ou nommé "Designer de l'année" par le salon Maison & Objet en 2018, le Belge reste pourtant de marbre lorsqu’on lui énonce son prestigieux CV. Encore parasité par le complexe de l’imposteur, celui qui écrivait une lettre à Philippe Starck, à 15 ans, a dévoilé le nouveau décor du Cravan (Paris VIe), il y a plusieurs semaines. Une énième réalisation d’envergure pour le designer, à l’engagement écologique ancré, qui se charge, à l’occasion des JO 2024, d’harmoniser les contre-terrasses des restaurants des Champs-Élysées.

Ramy Fischler ©Vincent Lappartient

C’est au Cravan (Paris VIe), nouveau lieu charmant et confidentiel du boulevard Saint-Germain que nous rencontrons son designer, Ramy Fischler. Entre dégustation de cocktails herbacés, entourés des beaux livres de la librairie Rizzoli et portés par les musiques cinématographies iconiques diffusées, à l’instar de "Tema Italiano" d’Ennio Morricone dans Le clan des siciliens, il revient sur son parcours, sa vision et cette volonté de porter des réalisations éclectiques.

Nous sommes au Cravan (Paris VIe), un édifice historique de Saint-Germain datant du XVIIème siècle, que vous avez repensé sous forme de collages protéiformes : les bars, la librairie Rizzoli, le ciné-Kiosque… Il s’agissait de préserver l’art de vivre bien connu du quartier ?

C’est sûr que dans l’esprit des parisiens de la rive droite, on imagine toujours ce quartier comme une belle endormie ou comme un lieu ennuyeux, qui est passé un peu de mode. Ce qui n’est sans doute pas tout à fait vrai, en tout cas, pas pour ceux qui vivent ici. On avait le fantasme de créer un lieu qui donne une nouvelle vie à ce boulevard mais nous ne sommes pas seuls à y avoir pensé ! Beaucoup de choses se passent dans ce quartier (de nouveaux restaurants, bars…), ce qui lui redonne un nouveau souffle. Nous arrivons à un moment où ce lieu était prêt à accueillir un espace protéiforme. Il y a, bien sûr, cette nostalgie de ces années très littéraires et artistiques que nous n’avons pas connues, et les Années folles aussi… C’est un lieu de vie qui peut s’exprimer à tous les moments de la journée avec des publics très différents. Ce n’est pas, non plus, un club. Par rapport à l’articulation des espaces, j’espère qu’il n’est pas trop intimidant. Tout est pensé, justement, pour éviter le côté trop sérieux qui pourrait donner le sentiment à certains qu’ils ne sont pas les bienvenus.

Ici, vous avez imaginé un ciné-kiosque. Tout comme la designeuse Sandra Benhamou, que nous avions interviewé, vous avez une passion pour le cinéma. En quoi influence-t-elle votre travail au quotidien ?

J’aime évidemment les films mais je m'intéresse plutôt au montage et à la manière de faire du cinéma. Je fais mon métier comme je pourrais réaliser un film. Une fois que le film est fait, je suis déjà sur un autre tournage. Ce qui me plaît le plus dans le rapport au cinéma, c’est le cadrage, c’est aussi l’idée qu’on va faire déambuler des gens et que ce que l’on va réaliser va créer des postures et des situations. Je pense souvent les lieux comme des décors de film. J’aime aussi l’idée que ça reste de la création et de l’art mais c’est toujours un art un peu industriel, le design. Tout est très compliqué. Il faut des équipes, des réunions de chantier… C’est de la création extrêmement organisée et méthodique, ce qui me fait beaucoup penser à la manière dont on veut faire un film pour que le résultat soit parfait. Il y a beaucoup de travail en amont qui ne se voit absolument pas.

Des décors de cinéma vous ont inspiré ?

Inspirer, je ne sais pas. Evidemment, les films de Stanley Kubrick sont incroyables de ce côté-là. Il y a aussi le film Blade Runner, où il y a énormément de détails sur la surindustrialisation ou une certaine idée du futur. Derrière le détail, il n’y a pas que du décor, il y a une réflexion sur le monde. C’est le cas dans le cinéma américain car il porte souvent beaucoup d’enjeux (commerciaux, militaires, industriels…) et tout cela se retrouve souvent dans les films. J’aime quand le décor n’est pas que cela mais qu’il dit quelque chose sur la société, sur une vision du monde. Ce lieu, c’est aussi une rencontre avec Franck Audoux, qui, lui est très Nouvelle Vague et très influencé par le cinéma. Nous avons beaucoup parlé de références, il y a des clins d’œil un peu partout. D’ailleurs, je dis souvent qu’ici : "Tout est faux et tout est vrai". Tout ce qui est dessiné a été travaillé avec passion et avec des manuels d’Histoire, mais en même temps, nous avons tout construit. Nous assumons aussi que ce sont des décors, avec son envers, toujours ! On ne comprendrait pas l’espace de la même façon s’il n’y avait pas l’arrière du décor. C’est aussi vrai dans le cinéma avec ce rapport hors champ.

"La terre est la matière qui, parce que nous sommes des urbains un peu malades de notre époque, est très impressionnante quand vous la découvrez dans un lieu auquel vous ne l’attendez pas, alors que vous marchez dessus toute la journée !"

Designer, scénographe, entrepreneur… Comment définiriez-vous votre ligne directrice ?

Justement, je dis souvent que je suis généraliste. On ne se spécialise en rien mais ça fait 23 ans que je fais ce métier… Au début, on fait tout pour la première fois. Aujourd’hui, j’ai déjà fait beaucoup de choses mais l’idée, c’est de ne jamais se spécialiser dans un domaine. C’est un travail au quotidien. Dans nos métiers, c’est plus facile de se répéter même si le style change. Je ne fais pas que des bars, des restaurants ou des hôtels. Je fais beaucoup de choses très différentes mais ma constance, c’est de ne pas tomber dans le systématisme des projets et des thèmes. C’est comme un sport, il faut, tous les jours, s’assurer qu’on ne se répète pas et attirer de nouveaux clients ou partenaires de travail. C’est un travail permanent pour ne pas s’endormir sur ses lauriers. Aujourd’hui, nous avons un studio de quarante personnes et une trentaine de projets donc je passe presque une journée sur 15 projets différents qui n’ont rien à voir, et c’est peut-être une performance quasiment cinématographique ! J’adore aussi le film Holy Motors avec ce personnage qui joue des rôles et qui rentre dans sa voiture pour changer de costume. J’ai un peu ce sentiment-là ! C’est un peu ma vie, enfin presque ! [Rires]

Votre travail est marqué par l’engagement écologique, autour d’un design durable axé sur la terre et le vivant. Que représente la terre pour vous ?

La terre est la matière qui, parce que nous sommes des urbains un peu malades de notre époque, est très impressionnante quand vous la découvrez dans un lieu auquel vous ne l’attendez pas, alors que vous marchez dessus toute la journée ! La terre est le paradoxe de notre époque, c’est-à-dire la matière qui, sans quasiment aucune transformation, peut résoudre tous nos problèmes mais malheureusement, nous ne nous en rendons pas compte. Ça m’interpelle et c’est une matière que j’aime beaucoup.

Ramy Fischler ©Vincent Lappartient

Quels matériaux privilégiez-vous ?

Aucun. C’est comme un film avec un récit et, selon lui, s’opère des choix. Par contre, ma fibre écologique n'a pas vocation à être explicitement montrée. A notre époque, il y a une forme d’expressivité de l’écologie. Il faut qu’elle disparaisse parce que les gens ne vont pas vivre ou acheter des objets qui, toute la journée, leur parle d’écologie. Tant mieux si chacun y met du sien. Ici, quasiment tous les matériaux ont été récupérés mais ça ne se voit pas. C’est le cas des arrières décors. Ils viennent de la recyclerie de la Réserve des arts (Pantin), qui est un lieu où l’on peut racheter des décors. Les sols sont tous récupérés, les tissus viennent de Nona Source, une star-up de La Caserne (Paris Xe) qui reprend toutes les chutes de tissus des défilés et qui les revend. Ce sont de petites choses et le montage reste aussi un des meilleurs moments pour nous.

"Je ne pense pas que l’on puisse faire mon métier, comme je le fais, s’il n’y a pas cette envie de gagner."

Vous avez un parcours prestigieux : diplômé de l’École nationale supérieure de création industrielle en 2004, pensionnaire de la Villa Medicis à Rome, fondateur du Studio RF en 2011, directeur du département architecture de Chanel pendant 5 ans, décoré de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication en 2016, nommé "Designer de l'année" par le salon Maison & Objet en 2018. Que manque-t-il, selon vous, à votre palmarès ?

Je suis papa de deux filles, je pense que c’est le plus important. Ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus et, il y a toujours le complexe de l’imposteur…

Mais vous l’avez ?

Oui totalement. Quand un article sort ou quand je reçois des Prix, je ne le dis jamais ! Par contre, je ne pense pas que l’on puisse faire mon métier comme je le fais, s’il n’y a pas cette envie de gagner. On fait des projets que l’on gagne, c’est difficile. C’est dur de perdre. Ce moment où je dois convaincre quelqu’un, et réciproquement, quant à la réalisation d’un projet ensemble, c’est le moment le plus important. Quand on a fait beaucoup de projets, le moment encore où je suis le plus utile, c’est pour gagner. Il faut donner les idées, séduire… Le mot "gagner" est peut-être trop fort mais, par exemple, pour ce projet, on est venu me chercher et il aurait été tout autre avec quelqu'un d'autre. Je suis très impliqué dans les idées et dans la façon de les rendre réalistes et réalisables quand je rentre dans un projet. Il y a toujours cette peur de ne pas être bon et de ne pas être capable d’avoir les bonnes idées, mais ce sont les mêmes problèmes pour tous les créatifs.

En tout cas, vous avez fait la différence, puisque c’est vous qui êtes chargé d’habiller les terrasses des restaurants des Champs-Élysées pour les JO 2024...

Même jusqu’à la fin de l’humanité ! [Rires]

Ramy Fischler ©Vincent Lappartient

Comment ça s’est passé ?

Mon métier est parfois rythmé par les commandes. Plus je vieillis, plus je me dis que l’on ne se trompe pas en venant me voir. Je crée aussi la situation de façon à ce qu’elle arrive. Les terrasses, c’est un peu cela. Il y a eu un an et demi, deux ans de Covid. Je n’étais pas en France et je n’ai pas vécu cette situation folle du Paris vide. J’étais en Norvège pendant les 4 mois de blocus et quand je suis rentré, j’ai vécu cette période où les restaurateurs ne pouvaient faire rentrer les clients. Ils ont tous fait des terrasses que l’on appelle des contre-terrasses, d’ailleurs, puisqu’elles étaient sur les places de parking. Il s’est vite posé la question de savoir ce qui se passerait après le Covid car les gens étaient contents de ces aménagements… En plus, cela signifiait moins de places de stationnement donc moins de voitures… Et peut-être une débitumisation ! Cela signifie enlever le bitume, replanter dans la terre, végétaliser, donc réduire la température des rues. Et à mon avis, c’est ce qu’il faut faire, aujourd’hui, pour gagner les 3 degrés nécessaires à la vie possible dans les capitales comme celle-ci. Tout cela pour dire que j’ai participé à des réflexions sur la façon dont la ville de Paris allait être sensibilisée à l’après Covid et au futur des terrasses, qui sont un outil de transformation de la ville. La ville et le Comité des Champs-Élysées ont créé le Projet "Réenchanter les Champs-Élysées" avec l’architecte Philippe Chiambaretta qui a beaucoup travaillé sur des réflexions plus urbaines et macro. Quand il s’est agit de la question axée à l’échelle humaine, ils avaient besoin d’un designer et se sont concertés pour se tourner vers moi.

"Aujourd’hui, j’apparais comme un personnage un peu atypique dans le monde du design car je peux faire un projet très luxe ou aussi bien vous parler d’un purificateur d’air."

Le monde va être braqué sur Paris, ses sportifs mais aussi ses aménagements… A quoi peut-on s’attendre ? Comment comptez-vous sensibiliser la planète à l’écologie ?

Je n’ai pas cette prétention ! Déjà, ce sera difficile d’utiliser les JO pour promouvoir l’écologie, même si concernant le travail que je fais sur les Champs, il n’y a rien à me reprocher d’un point de vue écologique. Après, c’est du bon sens : travailler avec des entreprises françaises, avec des matériaux français le plus possible, des métaux issus de filières de réemploi, des tissus fabriqués dans le Nord…etc. Des contre-terrasses sont déjà visibles ! Nous ne nous serions par parlés, vous ne les verriez peut-être même pas ! C’est ça mon travail ! Ces contre-terrasses sont finalement le seul grand mobilier urbain des Champs-Élysées, c’est pour ça qu’on dit souvent que je réaménage les Champs-Élysées ! Je ne fais que des terrasses mais ce sont des énormes micro architectures qui sont très visibles. Quand elles sont mal conçues, qu’il n’y a aucune maîtrise esthétique, ni de charte graphique, on se dit que les Champs, c’est l’enfer ! J’ai juste voulu réduire ce sentiment-là en ajoutant plus de cohérence et d’harmonie. Emmanuel Grégoire, le premier adjoint de la Ville de Paris, en charge notamment de l'urbanisme, a vraiment pris le sujet à bras le corps en créant une Charte de l’esthétique de Paris, qui tend à retirer beaucoup de choses, et pas forcément à en remettre ! Ces terrasses sont le seul mobilier urbain de cette taille-là dans Paris, depuis la fin du XIXe siècle, et font référence à la "vacherie anglaise". Ce sont des structures dessinées pour accueillir des marchés aux fleurs. Il y en avait Place de la République et celles qui restent se trouvent en bas des Champs-Élysées. J’ai repris cette esthétique associée à l’esthétique forain, qui fait écho aux stores en textile. Ça semble simple mais c’est un an et demi de boulot parce que c’est la synthèse d’un travail avec tous les acteurs de la ville.

Ramy Fischler ©Vincent Lappartient

Les titres vous concernant sont grandiloquents ! "L’enchanteur des Champs-Élysées" dans Les Échos, "Un discret pygmalion de la capitale" pour Le Monde, "Un surdoué du design" selon Le Figaro… Vous vous situez où ?!

Je me dis juste qu’il faut des titres comme ça pour que quelqu’un s’intéresse au design et ne passe pas à la page d’après ! [Rires] Je pense que je sors de l’ordinaire dans le paysage du design. Disons que dans le monde de la presse, le design est souvent renvoyé aux pages "Style" ou "Déco", ce qui veut dire que si je dois parler de la question de la purification de l’air ou des sans-abris, c’est compliqué ! Dans notre métier, si on n’est pas dans ces catégories, on n’existe pas. C’est quelque chose de dommageable. Je suis dans ce monde-là mais aussi dans plein d’autres. Quand je suis arrivé à Paris, je n’aurais jamais imaginé faire tout cela ou travailler avec Alain Ducasse, à l’époque où j'étais chez Patrick Jouin. Je suis belge et, sans aucune caricature, quand je suis arrivé à Paris, je ne connaissais que les pâtes bolognaise ! Je n’étais pas destiné à ce métier pour rentrer dans le monde du luxe ou de la gastronomie. J’ai compris que réaliser ces projets-là me permettraient de faire d’autres choses et d’avoir cette liberté que je veux. Aujourd’hui, j’apparais comme un personnage un peu atypique dans le monde du design car je peux faire ce type de projet et vous parler de plein d'autres sujets. Cela me permet, à travers un projet désirable, de véhiculer plein d’autres choses à la fois.

"Mon métier, c’est être dans une situation compliquée et essayé d’en sortir. C’est l’art de la fugue, de la fuite, de l’esquive."

Vous avez repensé le siège de X (ex-Twitter), conçu le restaurant de la National Gallery à Londres, Madame Brasserie au premier étage de la tour Eiffel… Vous avez aussi imaginé le Refettorio Paris, un restaurant solidaire dédié aux sans-abris et réfugiés, situé à Madeleine, pour lequel vous avez créé un décor sur-mesure. Qu’est-ce qui vous attire quand on vous parle d’un projet, aussi différents soient-ils ?

Je ne refuse quasiment aucun projet, c’est mon vrai problème ! Maintenant, je suis quand même devant 45 personnes donc je ne peux pas mentir ! Même si un projet est farfelu ou pas du tout fait pour nous, j’arrive à dire qu’il est génial ! Et là 25 personnes me disent : "Non, pas du tout !" [Rires] Je trouve tout passionnant ! Dans le cas du Refettorio, j’ai juste aidé JR et Prune.

Vous faites aussi bien des projets ultra luxe que d’autres plus sociaux et engagés…

Bien sûr, dans mon métier, il n'y a aucune différence. Le Refettorio est encore à part, c’est très relayé et très mainstream aussi. C’est un lieu social très hype. Le lieu est très beau, beaucoup de célébrités y vont pour soutenir le projet, et il y a bien sûr beaucoup de bénévoles dévoués. Ce n’est pas une critique, au contraire, c’est une stratégie payante qui a été théorisée par Massimo Bottura, le chef qui a créé ce concept. L’histoire est belle. Il a lancé le premier restaurant durant l’exposition universelle de Milan. Il a voulu l'ouvrir en dehors de l’évènement, avec tous les déchets alimentaires que génère l’exposition universelle. C’est génial ! Il a lancé des Refettorio un peu partout dans le monde. JR nous a contacté mon ami, l’architecte Nicola Delon et moi alors qu’il ne nous connaissait pas. C’est devenu, ensuite, très familial, nous sommes tournés vers les mêmes valeurs, le 0 gaspi en fait partie.

Ramy Fischler ©Vincent Lappartient

Votre studio est aujourd’hui à Pantin, à quelques mètres des ateliers historiques d’Hermès et de Chanel. C’est un lieu qui se prête volontiers à la création artistique ?

J’ai dirigé pendant 5 ans la direction architecturale et évènementielle de Chanel et je suis tombé amoureux d’un immeuble qui appartenait à la maison mais dans lequel il n’y avait plus d’activité. Je l’ai récupéré pour la direction artistique et j’en ai rénové une partie. J’ai découvert Pantin comme ça, car le premier atelier de Chanel s’y trouvait. Avant Chanel, c’était l’usine de Bourjois qui date de 1880, un magnifique bâtiment art déco. Je crois beaucoup dans l’évolution de cette ville. C’est une des villes du Grand Paris qui a de très gros projets : Les Grandes-Serres de Pantin qui sera un gros projet immobilier, juste en face des laboratoires de Chanel. Même si on est dans une partie de Pantin très sympa, il n’y a pas encore beaucoup de restaurants… J’ai acheté une petite usine. J’aime être dans un endroit où il y a un futur et j’ai envie de participer à l’évolution de cette ville. J’aimerais y ouvrir un restaurant, par exemple.

"J’étais en Belgique, j’avais 15 ans, et j’ai écrit une lettre à Philippe Starck. Il m’a dit : ‘Il n’y a qu’une école, c’est Saint Sabin’."

Notre média s’appelle S-quive, que faut-il esquiver dans le design ?

C’est drôle parce que j’ai fait un mémoire de fin d’étude sur la fuite. Il s’appelait : "Le Mobile de la fuite". J’étais obnubilé par cette question de la fuite parce qu’on pense souvent que c’est un acte de lâcheté. Je l’ai traité plutôt comme une arme. Bien fuir, c’est réussir une belle esquive aussi ! J’aime bien "esquive" mais on y entend moins ce côté "déplacement". Mon métier, c’est être dans une situation compliquée et essayé d’en sortir. C’est l’art de la fugue, de la fuite, de l’esquive.

Si vous aviez un conseil à donner à un jeune qui souhaite se lancer dans cette voie ?

Ne pas hésiter à rentrer le plut tôt possible dans le monde réel. Le design ne se théorise pas. Aujourd’hui, il ne faut pas être scolaire. Je n’ai pas fait de prépa, j’ai fait une école qui m’a sauvée, l’ENSCI- Les Ateliers. J’étais en Belgique, j’avais 15 ans, et j’ai écrit une lettre à Philippe Starck. Il m’a dit : "Il n’y a qu’une école, c’est Saint Sabin". Mais l’école ne s’appelait pas comme ça, j’ai mis du temps à savoir de quelle école il s’agissait dans cette rue. J’y suis allé et je me suis dit que c’est là que je voulais étudier. C’est une école où j’ai fait ce que je voulais pendant 5 ans. Je suis même parti un an au Brésil. Je me suis rapidement confronté à la réalité, j’ai rencontré Patrick Jouin qui venait d’ouvrir son studio, il n’avait alors qu'une assistante, Tania. Si j’avais été trop scolaire ou si je m’étais attaché à une façon de penser le métier, je n’aurais jamais fait tout ça. Nous vivons à une époque où il ne faut surtout pas théoriser sur ce métier. Tout va trop vite. Il faut expérimenter, frapper à la porte d’une agence que vous aimez.

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