INTERVIEW

Meyabe : "La photographie streetstyle, c’est une sorte de danse avec le vêtement."

Publié le

11 avril 2024

S-quive Street.Ils font la culture Street de l’époque, S-quive est allé à leur rencontre... Il a capturé les portraits de Pharrell Williams, Natalia Vodianova ou Mica Argañaraz. Après avoir sillonné les backstages des fashion week parisiennes, le photographe de streetstyle, Meyabe, a immortalisé ses clichés les plus forts dans le livre Life in Paris préfacé par Loïc Prigent. Fort de cette expérience, il s’attèle à deux nouveaux projets ambitieux : une nouvelle publication et une œuvre d’art, unique par définition.

Meyabe ©Basile Bertrand

Si vous deviez vous présenter en quelques mots…

Je dirais curieux et en mouvement. J’aime la photographie humaine. Ce qui m’intéresse, c’est de voir les gens, les connaître, être dans l’analyse et le détail.

De Pharrell Williams aux mannequins Mica Argañaraz, Natalia Vodianova ou Loli Bahia… Vous avez capté des moments volés en pleine rue de différentes personnalités du monde de la mode. Qu’est-ce qui retient votre attention ?

La plupart de mes photos sont prises sur le vif donc il n’y a aucun calcul. J’aime la spontanéité dans ma photographie. Pour Pharrell Williams, je lui ai demandé de regarder en l’air car c’est quelque chose qui le sort de sa zone de confort. Souvent, on va plutôt lui demander de faire des selfies, ou une photo classique en portrait mais sur le vif, avec un angle différent, il est interloqué et c’est ça qui est intéressant. La photographie doit être un amusement et certaines personnes ressentent cela comme une contrainte quand ils ont trop l’habitude d’être photographiées. J’aime sortir le sujet de sa zone de confort.

Vous avez publié un livre de photos street style baptisé Life in Paris, préfacé par Loïc Prigent. Comment s’est passée cette collaboration ?

J’avais fait un premier livre qui renfermait plusieurs années de photographie de mode et de streetstyle. Pour le deuxième livre, avec mon éditeur 0fr. et le directeur artistique Magnus Naddermier, nous nous sommes focalisés sur la fashion week. C’est quelque chose qui m’anime depuis des années. Au départ, j’avais une vision très street. Finalement, la street photographie me nourrit pour la fashion week et inversement. Je croisais Loïc Prigent pendant les semaines de mode et il avait adoré le premier livre. Il m’a dit que j’avais inventé quelque chose d’assez particulier pour lui. Ça m’a vraiment flatté ! Quand je lui ai demandé de faire ma préface, il a été hyper emballé par le projet et a accepté. Il m’a posé des questions quant à l’élaboration du livre, puis nous lui avons montré une première maquette. J’ai pris un café avec lui et nous avons beaucoup échangé, ce qui lui a permis de se faire une véritable idée de mon travail et de mon parcours. Il a rédigé un texte. Ça s’est passé très simplement. J’étais content qu’il le soit lui-même de participer à ce projet. Je regarde ses documentaires et c’est quelqu’un qui m’a beaucoup influencé dans la vision de la mode. Il a simplifié et rendu plus accessibles cet univers.

"La photographie streetstyle, c’est une sorte de danse avec le vêtement."

Quand vous photographiez les backstages des défilés durant la fashion week, qu’est-ce qui vous plaît dans cet esprit coulisse ?

Quand je photographie en backstage durant la fashion week, j’ai une montée d’adrénaline très forte. C’est aussi la possibilité d’aller encore plus dans le détail, de prendre des moments volés et de mettre en avant le vêtement. J’ai travaillé pour le premier défilé de Louise Trotter avec Carven, l’année dernière, ou Stella McCartney et ce qui m’intéresse, c’est vraiment les échanges avant les défilés, la rencontre du vêtement avec le modèle et surtout ce moment de tension juste avant le show. Un défilé dure 5 ou 10 minutes grand maximum, mais c’est des heures de préparation. Quand on arrive à l’avant défilé, c’est à toi de capter les moments où les gens sont plus relâchés, même s’ils restent très tendus !

Meyabe ©Basile Bertrand

Selon vous, que faut-il esquiver dans la photographie street style ?

Les poses qu’on ne pourraient pas faire dans la vie ! Pour moi, la photographie streetstyle, c’est une sorte de danse avec le vêtement. La personnalité doit aussi être reflétée dans un mouvement mais toujours de manière naturelle. Ma photographie est furtive pour valoriser cela justement.

Vos images ont cette pointe de vintage… Il y a cette envie de leur donner une dimension intemporelle ?

Oui concernant la colorimétrie. L’idée, c’est d’avoir une vision. J’analyse beaucoup le foot ! Quand un joueur de foot improvise un geste, il réagit en fonction de ce que lui demande le jeu. En fonction de ce que me demande la photo, je lui apporte une réponse qui est dans ma vision. Soit, je passe au noir et blanc, mais je modifie très rarement les images car c’est comme si je souhaitais travailler avec une pellicule qu’on ne peut changer. Le vintage, c’est ma signature pour l’instant, mais peut-être qu’un jour, je changerais.

"Mon but n’est pas d’être reconnu en tant que photographe mais que mes photos le soient. Laisser une signature, il n’y a rien de mieux."

Ce qui est aussi éternel, c’est bien le rythme durant la semaine de la mode ! Au-delà, de votre appareil photo, quel est le meilleur accessoire pour arpenter Paris ?

Le meilleur accessoire, c’est le vêtement et les baskets. Mais aussi, être vêtu "en furtif", tout en noir, pour faire en sorte qu’on ne te voit pas. Il faut être à l’aise avec ce que tu portes. Si tu vas en fashion week, sans être bien dans ton armure, tu te sentiras mal. Les baskets, c’est hyper important parce que, déjà, tu cours comme un dingue, t’es toujours en mouvement. Si t’es pas bien, tes photos s’en ressentiront.

C’est, une fois de plus, cette puissance intemporelle des Samba qui vous plaît ?

Oui, j’ai porté pas mal de Gazelle mais les Samba ont cette esthétique très simple qui iraient très bien avec l’époque de la mode des pantalons un peu évasés. Elles me font penser aussi aux quartiers de Brooklyn, au football, et à Bob Marley… J’ai plein d’images qui me viennent avec cette basket intemporelle.

Meyabe ©Basile Bertrand

Vous exposez aussi. Il y a cette envie profonde de laisser une trace ? Un héritage artistique ?

Oui, exactement ! Mon but n’est pas d’être reconnu en tant que photographe mais que mes photos le soient. J’aimerais laisser un style, c’est pour cela que lorsque Loïc Prigent m’a dit que j’avais inventé quelque chose, ça m’a flatté. Ça vaut tous les compliments du monde. Laisser une signature, il n’y a rien de mieux. On me le dit de plus en plus, et je me dis que je suis sur le bon chemin. Mon objectif de vie, c’est de laisser une petite trace en me disant que j’ai contribué à une certaine progression de la photographie, à mon échelle.  

Il me semble que vous travaillez sur une prochaine parution…

Je travaille sur deux projets : le premier avec un seul sujet et un seul exemplaire de livre. C’est une œuvre d’art commencée en décembre 2023. C’est un peu borderline mais cela revient toujours à cette idée d’adrénaline. D’ailleurs, un seul m’a vu le réaliser, à un moment, et c’est Loïc Prigent. Pour le second, c’est sur mon parcours en fashion week via les objets que j’ai pu récupérer. Cela va vraiment raconter une histoire et les émotions que certains objets ont pu me procurer. C’est une façon de libérer et de clôturer ces dix dernières années en mode.

Collaboration commerciale avec adidas Originals.

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